Sunday, April 15, 2012

SOMETHING ABOUT... LE POST DU WEEKEND 9



"J'étais envoyé il y a trois ans en Russie pour mon travail. Je suis nez dans une compagnie internationale de parfumerie. Mon poste est relativement important. C'est pourquoi, lorsqu'il fallut envoyer quelqu'un pour gérer la restructuration de notre bureau à Saint Petersbourg, j'étais choisi. J'y passais un peu plus de neuf mois, durant lesquels m'était accordé l'équivalent d'une semaine de repos par mois. Grâce à quoi, je rentrais voir mes enfants et ma femme.
Là-bas, je passais beaucoup de temps à travailler. Parfois jusque tard dans la nuit. Parfois je dormais sur place. Je me sentais souvent très seul.
Un soir, cela faisait environ 6 semaines que j'étais là, j'ai décidé de sortir boire un verre. Cette année-là, la Russie enregistrait un record de chaleur, ce qui me permettait d'emprunter la grande rue à vélo, dans l'espoir de trouver sur ma route, un endroit capable d'étancher ma soif, régaler mes désirs de gastronome, et peut-être, rivaliser enfin avec ma solitude. Je finissais par trouver le lieu idéal qui parviendrait à combler les trois cases vides de ces interrogations nocturnes. Ici j'allais passer une grande partie de la soirée, et y faire une rencontre qui changerait le rythme de ma vie pour les mois à venir. Elle s'appelait Eléa, mais disait que cela se prononçait Elréa. Elle était très belle, très silencieuse, douce et drôle ! J'entends encore son rire quand je pense à elle...

Elle n'était, aux yeux des autres, rien d'autre qu'une prostituée d'Europe de l'est. Quand j'y repense, je me souviens qu'elle me disait se percevoir comme une geisha, aux traits, certes, caucasiens.
Je la ramenais chez moi, et nous passions la nuit entière, jusqu'au matin, à discuter, à l'issue de laquelle, je lui proposais de lui faire le petit déjeuner.
Nous avons répété ainsi la scène plusieurs fois, avant que je lui propose, à l'image de la geisha d'antan, dont les hommes achetait sa virginité, de lui offrir une somme de son choix afin qu'elle ne soit qu'avec moi; rien que MOI.

Alors nous avons continué à nous voir quotidiennement, jusqu'à mon départ de Russie. Nous nous comportions comme un couple. Nous étions heureux, libres et fous ! Lorsque j'ai appris la date de mon retour, je n'ai rien dit. Terrifié de gâcher le moindre instant. Tout comme elle, je savais que nous ne nous reverrions jamais.
La veille, nous avons pris une photo de nous, qu'elle garderait. Puis une photo respective, que nous garderions pour toujours. Elle n'a pas voulu y dévoiler entièrement son visage. Elle disait qu'ainsi, je garderai un souvenir lié à ce que je ressens. Elle disait que c'était la plus juste des manières de protéger ses souvenirs.
Ca fait bientôt quatre ans. Je ne l'ai jamais revue. C'est pour le mieux. Ainsi, je sais que rien ne peut s'effriter, s'abîmer.
Et lorsque je souhaite retourner dans ses bras, relire ses sourires, ou sentir l'odeur de son rouge à lèvres, je sors de mon vieux coffre en bois, l'unique clé pour y accéder: cette photo d'une inconnue sans visage que je ne cesserai d'aimer."



Ecrit par W. Marcel
Photo par Mlle Hofmann

No comments:

Post a Comment