Sunday, April 01, 2012

SOMETHING ABOUT... LE POST DU WEEKEND 7



"C'est dans les plaines solitaires qu'Anna se plaisait quotidiennement à flâner.

Ici, la pudeur n'existait plus, l'angoisse et le souci s'éloignaient.

Chaque jour, lorsque 17h raisonnait dans l'échos de la vieille horloge, elle se précipitait hors de la bibliothèque, pour attraper le bus 392. Environ 30 minutes de rêveries, le nez collé à la fenêtre, dessinant des silhouettes dans la buée, la séparaient de son exutoire.

Au terminus, elle descendait avec les derniers passagers, saluait le chauffeur, et coupait à travers champ jusqu'à la falaise.

Elle aimait déjà la sensation des herbes hautes qui piquaient légèrement ses jambes. Elle adorait le bruit du vent pressé, qui se faufile dans les vallons, discret mais vif, comme on garde un secret qui tient à coeur.

Elle se libérait de son chignon trop strict, pour laisser échapper sa longue chevelure dorée.

Souvent, lorsqu'elle était sur le point d'arriver au bord, elle accélérait son pas jusqu'à courir. Elle sentait ses poumons s'ouvrir, son sourire s'élancer, et une excitation l'envahir; comme une pointe d'adrénaline précédant un grand saut.

Chaque fois, elle s'arrêtait à la limite de basculer dans le vide.

Et lorsqu'enfin elle était là, puissante et libre, face à cette immensité marine, immobile, les yeux grand ouvert, elle avait le sentiment que la plaine nue derrière elle pourrait la précipiter en avant à chaque seconde.

Elle aimait ce juste équilibre entre la fragilité et la force qu'elle ressentait toujours à ce moment précis.

Ici, elle appréciait le temps comme il se mérite, sans attente particulière, d'autant plus savoureux.

Peut-être une heure seulement la tenait encore à l'écart de son autre vie. Peu lui importait de quoi étaient faites les heures précédentes, les heures suivantes.

C'est cette heure-là qui faisait sa journée. Et son bonheur jour après jour."


Ecrit par W. Marcel

Photo de Mlle Hofmann





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